se revoir | juillet 11Un soir comme les autres. Direction les Trois Gorgones. Après avoir évité de justesse une volée de nourriture, passant à côté de la table responsable -ici à Ingary les aquilas n'ont aucune autorité, et c'est peut-être pour ça qu'il se passe n'importe quoi là-bas- Scar partit rejoindre le reste des Impériaux. Ils avaient déjà entamés leur soirée comme il le fallait. Le Particulier avait eu des choses à faire, quelques personnes à aller voir, mais maintenant qu'il était là, il allait profiter tranquillement de la soirée avec le reste de la troupe. Évidemment habitué à cet endroit, ayant vécu pas mal de choses ici jusqu'à maintenant, passant par de belles rencontres comme des mauvaises, on lui servit la même chose qu'il prenait en premier à chaque fois. L'alcool le plus fort, une sorte de spiritueux immonde, et une assiette de pomme de terre avec une sauce qui brûle encore plus que l'alcool lui-même. Lui qui aime bien partager, personne ne semblait vouloir piquer dans ce qu'il prenait. Blaguant, discutant, le principal sujet de conversation du moment -que ce soit à la table des Impériaux en passant par les arnaqueurs préférés d'Ingary- c'était le duel des trois baguettes. C'est bien aussi pour ça que Scar et les autres sorciers d'Aquila étaient présents dans cette région. Pour aider à préparer l'évènement gigantesque et tant attendu. Le meilleur moment de l'année en réalité. De quoi décompresser un peu des évènements de ces trois derniers mois. Aucune trace du Régent Lucius, rien, aucun indice. Scar se disait la même chose plusieurs fois par jour, et même si il essayait d'oublier ce problème, la fête qui se préparait n'aidait finalement pas du tout. L'ambiance entre les Liontari et Aquila n'avait jamais été si mauvaise et voilà que maintenant ils allaient s'affronter pour gagner le trophée. Et leur honneur. Scar voulait que les jaunes gagnent cette année, tout simplement.
— Mais ce serait pas ta voyante là-bas ?
La serveuse, une petit gobeline, montra du doigt dans un coin, assise à une table, une femme qui était effectivement pas inconnu au bataillon. Scar ne connaissait d'elle que son visage et la nuit qu'ils avaient passés (en réalité seulement dix minutes maximum le temps de lire son avenir et après d'aller se coucher) ensembles. C'était elle ? Oui, cela semblait être réel. Scar lui avait donné son nom écrit au rouge de son vin sur un bout de papier, un clin d’œil dans sa direction, avant de disparaître. Elle n'avait jamais donné de nouvelles, pas un signe de vie. Scar s'était longuement inquiété, pensant que c'était peut être elle la femme que certains ivrognes voyaient le soir, traîner dans les rues, comme un fantôme. Non. Elle était bel et bien là, seule à boire. Au même endroit que la première fois qu'ils s'étaient vu. Scar était torché ce soir-là, alors qu'il est difficile de le mettre dans un tel état. Mais il se rappelait d'elle. Alors heureux de la revoir, il abandonna ses compagnons, qui étaient finalement habitués à le voir disparaître sans un mot, pour la rejoindre. Elle ne prêta attention à son arrivée que lorsqu'il récupéra un tabouret pour se poser juste en face, un grand sourire. Elle ne disait pas un mot. Ah, oui, peut-être qu'elle par contre ne se souvenait pas vraiment de lui …
— Bonsoir. Est-ce que vous vous souvenez de moi ?
Il avait dit ça avec un geste séduisant en direction de son assiette à patate qu'il avait rapporté. Se montrant indélicat, il envoya sa nourriture plus près de la demoiselle, lui proposant gentiment d'un geste de la main, si elle souhaitait se servir.
— On s'était vu en début d'année, à la même table. Scar ? Je vous avez laissé mon nom sur un bout de papier.
Papier sûrement jeté à la poubelle au moment de nettoyer la table. Au même instant où il la regardait, excité de la retrouver, il remarqua, maintenant qu'il était sobre, un truc qui clochait chez elle. Étrange.
avec prudence, elle balaya la table d’une main soigneuse et ramassa toutes les cartes éparpillées. tu en as oublié une, lâcha son client en lui tendant sa dame de carreau. avec un bref sourire et un merci à demi-mot, elle s’en saisit et la plaça là où elle devait être, avec le reste de sa famille. bonne chance pour le tournoi, conclut-elle alors que son consultant rassemblait ses affaires. ce n'est pas comme si j'allais le gagner. elle haussa les épaules. quelle importance ? il était d’asvos. il n’en perdrait pas son honneur.
le tournoi. un mot dans toutes les bouches, dans tous les clans. cible de toutes les questions également, comme elle avait pu le constater ce soir. on s’était bousculé devant elle avec cette même inquiétude - vais je le gagner ? me ridiculiser ? - mais elle ne râlait pas. bien qu’habituée à des interrogations plus diverses, pouvoir reprendre les cartes comme au bon vieux temps était son plaisir. mais maintenant dans le silence, elle devenait presque mélancolique ; le bon vieux temps. une époque plus douce où elle ne courrait pas après des disparus.
avec un soupir, elle reprit une gorgée de son vin, perdue dans ses pensées. les temps à venir s’annonçaient des plus agités et elle craignait un peu pour l’enclave. pour son clan. pour ceux des autres. pour ses recherches que le chaos empêcherait sans doute. elle n’avait pas le temps pour de piètres querelles, pas alors qu’elle cherchait...
— Bonsoir. Est-ce que tu te souviens de moi ?
la sorcière aveugle sursauta, désarçonnée par ces mots étrangers. de par son empathie, on pouvait rarement la surprendre : elle entendait les bruits de pas, les battements de cœur, les respirations. elle ressentait la rage et la colère, l’euphorie comme la douleur. et voilà qu’on se plantait devant elle sans qu’elle ne le remarque. elle blâmait le vin. avec un regard inquisiteur mais emprunt d’innocence, elle lâcha quelques mots hésitants, fragiles comme du verre. bonsoir... votre voix ne m'est pas familière ?
elle essaya de poser ses mains auparavant croisées sur la table, mais la porcelaine brûlante d’une assiette surprit l’une d’elle. c’était nouveau. la maison qui régalait, peut être. elle discernait une odeur de pomme de terre, mais la sauce l’éludait complètement.
et l’étranger continuait. scar ? répéta-t-elle comme si cela suffirait à raviver sa mémoire. c’est un nom plein de personnalité. peu commun. si peu commun, dans les faits, qu’elle était absolument certaine qu’elle s’en souviendrait si elle l’avait déjà entendu.
— Je t'avais laissé mon nom sur un bout de papier. oh. elle rit ; d’un rire clair comme du cristal. d’un rire désolé. d’un rire diverti. c’est un peu - embarrassant. elle laissa glisser sa main sur la surface de la table, pour repérer où n’était pas la mystérieuse assiette, et étala ses bras sur la surface libre. j’ai dû le rater. elle n'aimait pas avouer son handicap, mais elle ne voulait pas laisser scar dans un flou injuste. de toute façon j'aurais peiné à le lire ; à moins que vous n'écriviez en braille ? et elle lui lança son sourire le plus compatissant.
se revoir | juillet 11Elle ne semblait pas se souvenir de l'Aquila. Scar était plus ou moins déçu, mais d'un autre côté c'était mieux ainsi. Le plus important restait qu'elle soit en vie, là, bien face à lui. Et qu'elle ne se souvienne pas de l'idiot qu'il peut être quand il est soûl. Elle avait l'air si douce et patiente qu'il eu l'impression de refaire de nouveau leur rencontre, comme si ils s'étaient dit "on va la refaire" et avait reprit leur place initiale, elle assise sur une chaise et lui sur ce vieux tabouret presque à casser. Quand il lui parla enfin du sujet du bout de papier, elle se mit à rire. Elle était quelque peu nerveuse et Scar eu l'impression tout d'un coup qu'il avait été ridicule et qu'elle se moquait de lui. Elle n'osait pas le regarder en face, comme si elle voulait se cacher. Mais non, c'était autre chose. Le Particulier, tout aussi embarrassé de la mettre aussi mal à l'aise baissa le regard et remarqua alors les mains de la divinatrice éviter maladroitement son assiette, comme si elle ne la voyait pas. C'était très troublant. j'ai dû le rater. Scar fronça les sourcils, comment avait-elle pu, il le lui avait presque mit sous le nez. braille. L'Aquila voulu soutenir le regard de la demoiselle, mais en relevant la tête pour l'observer il ne vit qu'un sourire. Il venait de comprendre. Enfin, et tout s'enchainait vite dans sa tête et tout était à présent très clair.
— Oh. Maintenant c'était lui qui était embarrassé.
Posant sa main contre sa bouche, elle pouvait parfaitement sentir, même aveugle, le regard soutenu qu'il lui lançait. Ses yeux étaient dans le vague, jamais elle ne pourrait voir à quoi il ressemble et ses mimiques idiotes. Scar essayait d'imaginer son monde dans un noir infini. C'était difficile. Et pourtant elle semblait s'y accommoder, de toute façon elle était obligée et elle seule pouvait juger. Alors il se mit à lever une main, la secouant, puis l'autre, et finalement il lui fit sa plus horrible grimace. Aucune réaction. Un instant il eu envie de se lever et de baisser son pantalon pour lui montrer son postérieur, mais il y'avait bien trop de monde et un homme qui fait ça dans un bar est aussi vite dégagé qu'une simple bagarre. Incroyable pensait-il.
— Excusez-moi. Haha. Je comprend mieux maintenant. J'ai été idiot, je vous avais laissé mon nom dans l'espoir que vous m'écriviez, alors que j'aurais pu très bien demandé le votre tout simplement.
Scar avança la main jusque son assiette, récupérant sa fourchette pour piquer une patate. Elle était molle et trop délicieuse. Il lêcha le couvert où il restait de la sauce piquante.
— Est-ce que je peux connaitre votre nom maintenant que vous connaissez le mien ?
une syllabe courte mais qui en disait tellement long. avec un sourire qu’elle peinait de plus en plus à cacher, ahn amena son verre de vin à ses lèvres et en but quelques gorgées, alors qu’elle se préparait à découvrir toute l’étendue de la réaction de scar. la jeune femme ne savait jamais à quoi s’attendre : on la regardait avec curiosité, on lui posait milles questions ou on ignorait complètement la nouvelle, comme si rien n’avait été dit. dans tous les cas, elle restait à l’écart, en observation, presque narquoise, détachée. peut être pour cacher son complexe. elle ne savait pas. elle ne savait plus.
cela dit scar avait une façon orignal de tester la véracité de son aveu. elle le sentit s’agiter et s’en amusa encore, son sourire toujours caché derrière son verre, n’offrant aucune réaction par malice. elle tourna un peu le regard, laissant son empathie vagabonder dans la salle, cherchant les sentiments des uns et des autres. elle ressentit d’abord l’ébriété. la joie. l’euphorie enivrée. et la confusion ? une émotion qui appartenait aux gens plus proches d’eux.
... que faisait-il, exactement ?
elle fronça les sourcils alors qu’il s’excusait, et pencha la tête alors qu’il s’expliquait. maintenant qu’elle avait sa version des événements, tout lui était plus familier - et maintenant qu’il parlait davantage, elle se surprenait à avoir des impressions de déjà vu. après un moment de latence, elle se mordit la lèvre, comme elle le faisait face à chaque mystère, les yeux ailleurs, et se saisit de toute son empathie éparpillée pour la concentrer sur lui, plutôt. elle voulait le connaître.
il restait un soupçon d’embarras. elle sentait l’alcool aussi, mais dans des termes bien moins bruyant que les autres étrangers du bar. la curiosité également. une sorte d’admiration ? elle n’était pas sûre. elle fronça les sourcils, presque agacée que tout ne se dévoile pas à son regard. et alors qu’elle pensait pouvoir en apprendre plus, il lui posa une question qui la désarçonna complètement, et elle retourna au stade habituel ; à cet état où plutôt que de se servir de son don, elle le subissait. les paroles ivres des uns et des autres qui grattaient à ses oreilles. à côté d'eux, un énième inconnu qui tapait la table de son doigt par impatience, fixant les serveurs d'un regard acerbe. le bruit de l’acier qui crissait contre la porcelaine alors qu’ailleurs, on dégustait son repas.
c’était... c’était une torture.
elle échappa encore à ces impressions, ces sentiments, distraite à nouveau par le garçon et toute son attention. elle en oublierait presque sa question. sans certitude, elle se redressa un peu, passant une main fastueuse sur son front pour calmer la douleur de son esprit qui subissait trop, et articula : ça aurait été plus simple, oui, mais certainement moins attentionné. nouveau sourire, plus fatiguée que le précèdent. pour que vous me courriez ainsi après, mes conseils étaient-ils si justes ? des mots sans inimité qu’accompagnait un regard entendu. mystérieux, presque.
Mais ce serait pas ta voyante là-bas ? elle l’avait entendu. elle l’avait entendu mais n’avait pas déduit qu’il s’agissait d’elle. maintenant qu’elle comprenait mieux les événements, tout lui semblait plus clair, et elle saisissait qu’il avait cherché après elle ; même si il lui restait encore à savoir pourquoi.
mon nom. des mots prononcés aussi bien pour lui que pour elle, comme un rappel à l’ordre. c'est ahn. sorcière aveugle. médicomage de la première division. liontari. des titres qu’elle se gardait bien de donner. on l'avait surnommé l'endeuillée, une fois, mais celui qui s'y était risqué n'avait plus recommencé - elle lui en avait passé l'envie. sans violence, bien sûr. un regard blessé, larmoyant presque, et on avait pris sa défense, outrés qu'on taquine l'aveugle au mentor disparu, aux yeux tristes, à l'humeur sombre. ceux qui la connaissaient le mieux avait félicité son jeu d'acteur par la suite.
se revoir | juillet 11L'Aigle ne se concentrait que sur sa voix. En y réfléchissant bien, elle ne pouvait pas voir que c'était un sorcier impérial. Comment est-ce qu'elle se l’imaginait ? Peut-être plus beau ? La voix de Scar détonne toujours de sa personnalité, elle est grave, longue et solide. Le sourire de la femme était adorable. D'une certaine manière, Scar pouvait se permettre -de lui-même- de la regarder plus en détail et de lui rendre son sourire. Ahn, tout simplement. Et voilà. Si il ne savait pas, peut-être pas encore, qu'elle pouvait ressentir des émotions fortes et tout ce qui peut être caché au commun, elle ne pouvait pas savoir qu'il était un insuffleur et encore moins que ses mains étaient noires -celles-ci cachées sous ses gants usés- Le Cancre et la Maudite. Deux êtres qu'on a placé là pour qu'ils soient utiles mais qui ne seraient peut-être rien sans leur particularité. Scar n'avait jamais vu de personne aveugle. Bien sûr on lui avait dit que c'était possible, il connaissait ces personnes, des mauvaises langues quelque chose qui ne pouvait parler en arrivant à l'Enclave. Il avait trouvé ça bien triste, mais on lui avait dit de ne pas s’apitoyer, que c'était comme ça et qu'il fallait faire avec. Et il avait entendu parler de ces personnes aveugles ou encore sourdes. Mais étrangement au fond de lui il savait que cela existait. Comment et pourquoi, va savoir.
— En vérité, Ahn, je n'ai pas plus de souvenirs que vous de la soirée. Et ça remonte à très longtemps, pfiou. En janvier. On venait à peine de commencer la nouvelle année. Scar levait les yeux en l'air, essayant de se souvenir. Non en réalité je ne me souvenais que de vous, à cette table, vous étiez belle et entouré d'idiots qui essayaient de vous emmener avec eux.
Scar hésitait à lui dire qui il était, son rôle dans la garde Aquila. Les aigles ne sont pas si bien vus, tolérés mais vite évités. Mais ça expliquerait le fait que ces hommes avaient laissés la voyante en paix. Voyante, c'était ironique mais Scar aimait bien cette ironie.
— Est-ce que je vous offre un second verre ? Il aimait aussi le fait qu'elle apprécie le même vin que lui. Il est délicieux celui-là, je vais en prendre aussi. Je pense. Il se retourna pour chercher un serveur mais ils étaient bien tous occupés. Bon, en attendant est-ce que ça vous dirait de me refaire votre truc de voyance ?
Non, Scar n'y croyait pas vraiment. C'était peut-être malin, il faut connaitre rapidement la personne, l'analyser et la comprendre pour lui faire croire qu'on dit la vérité. Mais il était intrigué, et puis ses souvenirs flous ne l'aidaient pas à se souvenir de comment elle avait fait. Il se rappelle juste qu'il avait été impressionné et qu'il voulait la revoir bien vite. Maintenant il était là, en face d'elle, curieux.
— Oh. Je ne vous dérange pas au moins ? Vous n'êtes peut-être pas là pour ça ? Ah oui c'est vrai, il s'était un peu invité à la table.
elle écouta son récit avec curiosité, penchée vers lui. la nouvelle année... une période de grande importance pour les voyants, dont la clientèle doublait ou triplait. elle se souvenait par morceau de la soirée, où des fêtards s’étaient bousculés à sa table, curieux de sa prétendue divination. une réticence qui l’étonnait autant qu’elle l’amusait : ils étaient des sorciers, des magiciens aux milles merveilles suspendues à leurs baguettes, mais l’idée qu’on puisse connaître le futur par la cartomancie leur semblait trop fantasque ?
après que scar eut terminé de parler, elle reprit place au fond de sa chaise, les yeux ailleurs. beaucoup de détails l’amusait dans son histoire, si bien qu’elle ne savait pas lequel relever. belle ? elle n’en avait aucune idée.
pour elle, la beauté n’était que sensations ou paroles : c’était la chaleur du soleil sur sa peau le matin, à la température parfaite tandis que le jour succédait à la nuit. c’était les entraînements liontari, où fusaient les encouragements pour ceux désireux de mieux se battre, mieux protéger. c’était l’odeur des livres qu’elle ne pouvait qu’effleurer à la bibliothèque, et la voix de ceux qui voulaient bien les lire. c’était l’ambition de septima et la voix de gaspard. c’était le cœur en morceau d’archidamus qu’il ramassait pièce par pièce, et l'esprit de croyance.
pour ce qui était du physique, elle ne pouvait qu’assumer et déduire, se construire des images hasardeuses dans son esprit. sans grande importance, d’ailleurs, parce qu’elles ne l’aidaient en rien. elle différenciait les uns des autres par la voix et l’aura, les idées, les propos, les façons de marcher. la présence, également. celle de scar était lumineuse et chaleureuse, maladroite et bancale, mais tellement honnête. et ahn sentait sans mal qu’il n’était pas une personne mauvaise ou méchante. qu’il soit parvenu à disperser ceux qui l’importunaient changea l’idée qu’elle se faisait de lui. alors qu’elle l’imaginait dans la parfaite moyenne jusqu’à alors, quelques muscles étaient venus s’ajouter à son image.
un grand baraqué ? il n’en avait ni la voix, ni l’attitude.
si c'est demandé si gentiment je ne peux qu'accepter. retour à la réalité. elle croise les jambes alors qu’il la questionne sur son truc de voyance, des termes qui la font sourire. un sceptique ? je venais de laisser partir mon dernier client avant votre venue, mais une dernière lecture ne me dérange pas. une pause. est-ce que vous avez une question qui vous tient à cœur ? et qui, de préférence, ne concerne pas ce maudit tournoi. si elle en entendait parler encore une seule fois...
pour cette séance elle préférait s’en tenir à la méthode la plus simple, mais également celle qu’elle maîtrisait le mieux : la méthode à 7 cartes. on les disait capables de conseiller quelqu'un sur une question unique, et elle était très curieuse de découvrir celle de scar.
se revoir | juillet 11Oh. C'est vrai, le tournoi. Beaucoup sont sûrement venu lui demander comment serait leur prestation lors du jour-J. Qui va gagner, qui va perdre, en quelle position il va se retrouver. Scar avait un peu de mal, avec tout le respect qu'il peut avoir cependant pour Ahn, à imaginer la voyante capable de lire avec précision l'avenir. Orion … ça pouvait s'expliquer par sa particularité magique qui en fait un médium enfermé dans une tour en ivoire. Ahn n'était pas enfermé. Elle semblait libre de demander à Scar de ne pas poser de questions sur le tournoi. Il trouvait sa drôle sa façon à elle de soupirer et d'être fatiguée par ses clients en … se plaignant presque devant un autre client. Bon. Pas de question sur le tournoi.
— De toute manière même si vous ne me l'aviez pas demandé je ne vous aurais pas posé ce genre de questions. Je n'y participerai pas, je ne serais que dans les gradins. À la rigueur je peux vous demander quel temps il fera pour savoir comment m'habiller ?
Scar lâcha un ricanement. Non, il prenait vraiment ça à la légère. Pour ce qui était du tournoi, il ne peut tout simplement pas y participer. Le cancre d'Aquila serait vite jugé comme tricheur, à avaler les sorts qu'on lui jette. Et puis sa maîtrise des sorts étant encore trop mauvaise, il ferait bien trop n'importe quoi et serait le premier à perdre. C'est ça quand on est un Insuffleur. Comment faisait Septima ? Elle est la chef d'un clan. Lui c'est … un pauvre soldat qui mange des patates.
— Hm. Hm. Je sais. Est-ce qu'une-
Un serveur passa furtivement derrière Ahn. Scar hurla son nom, leva la main le plus haut possible, se levant presque du tabouret et désigna le verre de la demoiselle, lui demandant deux autres vins pour lui et elle. L'homme hocha affirmativement de la tête et repartit servir une table. L'aigle eu le temps d'oublier presque la question en se repositionnant face à la voyante.
— Est-ce qu'une guerre pourrait se préparer très prochainement ?
oh ? elle pencha un peu la tête, étonnée de la nouvelle. peut être était-ce parce qu’elle imaginait tous les mages aux paroles faciles bagarreurs, mais elle aurait juré qu’il se tiendrait parmi les duellistes. l’image mentale qu’elle se faisait de lui perdit quelques uns de ses muscles auparavant acquis. ce garçon était décidément une énigme. lâchant un petit rire, qu’elle cacha derrière une main commode, elle ajouta pour ce qui est de la météo... je doute qu’on nous laisse combattre sous une pluie torrentielle.
bien entendu, ce n’était que des suppositions issues de sa logique. peut être que les organisateurs s’amuseraient de cet imprévu, au contraire. l’excellence supposait également une capacité à faire face aux aléas, et à s’adapter en conséquence. peut être que le tournoi ne serait pas décalé en cas de tempête. peut être qu’on se retrouvera dans les gradins, qui sait. une moue pensive, alors qu’elle envisageait la possibilité de se démarquer parmi les autres combattants de son clan.
... une idée absurde, qui le mettrait probablement dans une colère noire. si elle - une magicienne presque incapable du moindre sort offensif - s’en sortait par miracle, ce serait une grave insulte à tous les liontari. elle laisserait probablement sa place à un autre, peu désireuse de représenter son clan à un événement si important. que penserait-on ? une aveugle doublée d’une incapable, à l’exécrable fragilité, symbole des rouges intrépides ? une idée à vomir.
elle avait porté son verre presque vide à ses lèvres sans le boire, trop perdue dans ses pensées pour terminer son geste. et elle faillit renverser le tout quand scar hurla à travers la taverne, et ses tympans sensibles qui lui amplifiaient tous les sons de la pièce. avec un râle, elle rattrapa son verre qui avait manqué de se briser au sol.
après un soupir, elle se décida à finir son vin.... qu’elle faillit recracher à la question de scar.
à la place, elle s’étouffa simplement, secouée autant par une toux qu’un rire nerveux. une guerre ? elle avait fait de son mieux pour garder sa surprise en laisse, sous son contrôle, mais sa voix était plus aiguë que d’habitude. au prix de nombreux efforts, elle regagna son sang-froid et lâcha : je suis un peu déçue. je m’attendais à une question plus personnelle. elle déposa son verre et ses cartes sur la table, et posa un regard indescriptible sur elles lorsqu’elle les effleura de sa main.
je n’ai pas besoin de la cartomancie pour une question pareille. de la colère dans sa voix ? une sorte d’agacement, du moins. elle n’aimait pas parler de la tension entre les lions et les aigles, et encore moins à un inconnu - aussi charmant soit-il - dont elle ne connaissait pas l’allégeance. mais elle sentait sa réponse déborder sur ses lèvres, alors qu’elle était déchirée entre sa prudence et son orgueil, son besoin de donner réponse à tout.
et scar avait parlé de second verre, sans savoir qu’elle venait de terminer son troisième. une guerre “pourrait” se préparer, oui. tout comme lucius pourrait réapparaître du jour au lendemain, puisque c’est de ça dont il s’agit vraiment. le serveur apparut à leurs côtés, et elle baissa d’un ton. elle ne doutait pas que se mêlaient les trois clans, ce soir, dans la taverne, et elle ne désirait pas commencer une dispute au sujet de l’illustre régent.
je dois avouer et elle entama son nouveau verre de vin, que le... le tournoi m’inquiète un peu. les trois clans réunis, surtout dans des circonstances si belliqueuses...
ça semblait être le début d’une mauvaise blague. un liontari, un aquila et un asvos entrent dans un tournoi... celui d’aquila demande au liontari où est passé son roi. celui de liontari lui répond qu’il ne sait pas.
mais personne ne le croît
uuuuh, conclut-elle sans grâce ni optimisme. on comprenait sans problème le fond de sa pensée vu l'air désespéré qu'elle avait sur le visage. elle but une nouvelle fois son vin, comme si cela lui permettrait d’oublier la catastrophe que ça allait être. j’y pense, scar, et elle lâcha son nom d'un ton appuyé, soudainement sérieuse. dans quel clan êtes-vous ?
la fameuse question. elle déchirait plus d’une amitié, ces temps-ci. je sais que c’est une question... privée, et elle accompagna ses paroles de geste décidés, comme le faisait souvent les gens enivrés par le vin. donc en guise de bonne foi, je vais vous dire le mien. et elle laissa glisser sa main sur la table, jusqu’à aller trouver la sienne. elle doutait que ses charmes le pousse à la vérité - dans les faits, elle cherchait son pouls pour le sentir s’accélérer en cas de mensonge - et découvrit avec un certain agacement que ses mains étaient gantées.
grosse crise.
en temps normal, elle pouvait discerner les mensonges des uns et des autres sans difficultés, mais la taverne était trop bruyante pour lui permettre la moindre concentration. alors elle devait retourner aux méthodes les plus primitives. mais son plan venait de tomber en poussière. je suis de liontari. il ne lui restait que l'espoir de la vérité, désormais.
